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Des rêves de petite fille

Petite, vers 4 ans j’avais des pantoufles en velours rouge sur lesquelles je nouais les bas nylon de ma mère comme les rubans des chaussons pointes. Je me mettais à danser mes chorégraphies d’enfant sur la musique de Chopin (Caprice Italien) ou Franz Liszt (Rêve d’Amour) ou encore Schubert (Moment Musical).

Personne n’a jamais compris d’où m’était venu ce désir de danser sur les pointes, ni d’où me venait mon talent. Je n’avais jamais vu une danseuse classique, nous n’avions pas la télévision. Mais déjà je rêvais de chaussons et de tutus, de Gisèle ou du Lac des Cygnes.

 

Ma mère m’avait souvent parlé du plaisir qu’elle avait éprouvé dans sa jeunesse à patiner en compagnie de ses amies, de danser des valses ou des tangos, de l’ambiance des patinoires Pôle Nord ou Saint Sauveur à Bruxelles, de l’étang gelé en hiver au Bois de la Cambre. J’adorais la neige et le froid.

Nous allions en vacances d’été en Suisse, il y avait une patinoire, et un nouveau rêve est né.

C’est ma mère qui m’a donné mon tout premier cours sur la glace :  il fallait marcher à petits pas.

Très vite je me suis mise à glisser et j’ai pu suivre des cours avec un professeur particulier, j’apprenais très vite et mon professeur suisse a expliqué à mes parents que j’avais un don particulier, que je pourrais être une très bonne patineuse.

 

Quelle aubaine… J’allais devenir une patineuse magnifique.

 

 

La danseuse

A 6 ans ma mère m’a inscrite à un cours de danse rythmique que j’ai fréquenté pendant 3 ans.

A 8 ans je commençais les cours de ballet classique, mon professeur, la jeune Nicole Karys, enchantée d’avoir une si bonne élève a voulu m’intégrer dans l’école des petits rats au Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles.

C’en était trop pour ma mère qui trouvait que ce n’était pas un milieu correct pour son enfant.

Je pouvais continuer à suivre les cours de Nicole Karys, mais je ne serais jamais petit rat de l’opéra.

 

Mon rêve de petit rat et de danseuse de grands ballets classiques était brisé.

 

Qu’à cela ne tienne !!!

Au moins je pouvais continuer à danser, faire des pointes et aussi monter sur scène pour des spectacles avec les autres enfants de l’école de ballet.

 

J’ai fréquenté l’école de ballet de Nicole Karys pendant plus de 15 ans, progressant régulièrement, étant parmi les meilleures de mon âge et l’idée m’est venue que je pourrais peut-être un jour aussi donner des cours de ballet. Ce jour est arrivé et pendant 3 ou 4 ans j’ai moi-même initié des enfants au rythme, à la danse, aux pointes et aux spectacles. C’était passionnant.

 

Mais la vie est ainsi faite qu’il y a des obstacles sur notre chemin, et j’ai dû quitter cette voie

 

 

 

La patineuse

Quand j’avais environ 8 ou 9 ans, mes copines de classe allaient au club de gym, elles savaient faire des tas de mouvements et d’exercices, que nous n’apprenions pas à l’école, ça me donnait envie d’essayer et d’apprendre les mêmes choses. Puisque je ne pouvais pas aller à l’école des petits rats, j’essaierais bien de faire de la gym.

Ça m’a été catégoriquement interdit.

 

Cet été-là, pendant les vacances en Suisse à Davos, ne pouvant être ni un petit rat ni une gymnaste, j’ai voulu patiner et je suis donc devenue patineuse. Ensuite, dès notre retour à la maison, mes parents m’ont amené à la patinoire.

J’ai commencé les entraînements à Bruxelles, à raison de 4 à 5 fois par semaine, j’étais membre du club, j’avais des leçons particulières et collectives. J’étais dans le groupe le plus performant et je progressais rapidement avec quelques autres enfants de mon âge. J’ai bientôt pu participer à des galas, montrer ce que je savais faire.

Progressivement j’ai été préparée par mon entraîneur à la compétition. Quel bonheur…

Les cours de ballet m’aidaient bien, j’étais gracieuse et souple et j’avais un bon maintien et un très bon sens musical.

 

Rapidement ma mère m’a fait comprendre que la compétition ne serait pas pour moi, le patinage, tout comme le ballet d’ailleurs, était du domaine de l’ « amusement », un hobby quoi…

Je n’allais tout de même pas imaginer en faire mon métier, y faire carrière. Pas question !!!

Je serais secrétaire quadrilingue (à 12 ans je parlais déjà 4 langues !)

 

J’ai pu rester membre du club, de temps en temps prendre une leçon (pour me faire plaisir) et continuer à patiner pour « être en mouvement » et faire du sport.

Mon rêve de patineuse était détruit.

 

Très volontaire, j’ai continué à apprendre seule comme je pouvais. En observant la technique des champions à la télévision, en travaillant à sec dans ma chambre ou dans la salle de gym à l’école. J’avais d’excellentes bases et le ballet m’aidait aussi beaucoup, ce qui m’a permis de venir à bout de tous les doubles sauts.

 

C’est à cette période que j’ai découvert la danse sur glace, je voyais des couples évoluer sur des musiques de danses selon des schémas bien définis, ça me faisait penser à la danse de salon.

Curieuse, je me suis documentée comme je pouvais (pas d’internet à l’époque) et j’ai appris les danses les unes après les autres. Sur la glace les couples m’aidaient, m’expliquaient la succession des pas et des courbes, et je les suivais en copiant ce qu’ils faisaient, et à la maison dans ma chambre j’étudiais les pas dans un livre. Ma descente de lit représentait la piste et je plaçais les pas sur le tapis comme représenté sur les schémas des danses.

En quelques semaines j’avais mémorisé les pas d’une vingtaine de danses et je savais où les placer sur la piste, je savais danser sur la glace !

 

Les rôles commençaient à s’inverser.

Ces adultes qui m’avaient initiés me demandaient maintenant des explications techniques, comment mieux faire un pas, comment s’améliorer, etc…

Ils avaient la connaissance des danses, moi j’avais la technique, l’observation et le don d’analyse.

Tout ce que j’avais appris pendant mon enfance et les études que je faisais pouvait leur servir.

 

 

L’étudiante puis l’enseignante

A 15 ans, ne pouvant me diriger ni dans une voie liée au ballet classique ni dans une voie liée au patinage, je décidai que je deviendrais prof de sport. Pour cela il fallait que je fasse de la gym, de la natation, de l’athlétisme et bien d’autres sports encore que je n’appréciais pas nécessairement, mais c’était indispensable de passer par là pour atteindre mon but.

 

A l’école, tous sports confondus, j’étais la meilleure, direction donc le club de gym pour faire de la poutre et des barres asymétriques, que je n’avais pas apprises à l’école,  au grand dam de ma mère qui s’imaginait déjà que j’allais de nouveau choisir une direction qu’elle n’envisageait pas du tout pour moi. Je lui ai fait croire que je n’avais pas envie de me contenter d’une partie de la discipline.

 

En réalité j’avais décidé de réaliser ces autres rêves :  faire du sport, beaucoup de sports et les enseigner.

Mon père était plutôt prêt à me suivre dans mes désirs, comme il l’avait été pour que je fasse de la compétition, mais il avait sa carrière et était souvent parti en déplacement pour des projets et des missions à l’étranger.

Malgré toutes les réticences de ma mère qui était convaincue que je devrais devenir secrétaire quadrilingues, j’ai pu entreprendre mes études d’Education Physique et Sports, mais uniquement grâce au fait que je ferais des études universitaires.

Elle ne comprenait toutefois pas ce que je pourrais bien faire d’un tel diplôme, le sport c’est pour le plaisir, pas pour en faire sa profession !!!

 

Diplômée avec mention avec en complément une spécialisation en analyse de mouvement et un diplôme en biologie, je suis entrée à l’Education Nationale où j’ai vite déchanté me rendant compte que le milieu scolaire n’était pas du tout fait pour moi, cela ne correspondait ni à mon caractère ni à mes aspirations. Il me fallait des buts, des défis et je ne les trouverais pas dans cet environnement-là.

Par contre mon travail d’enseignante à la piscine me plaisait énormément. C’est là que j’ai découvert les bébés-nageurs. Après une courte formation j’ai pu donner cours. J’ai aussi décroché le brevet supérieur de sauvetage, pas une mince affaire.

 

 

La femme carrière

La maîtrise des langues ouvre des portes insoupçonnées, et il y avait 4 langues bien maîtrisées.

Ne me plaisant pas du tout en milieu scolaire, je me suis tournée la mort dans l’âme vers un travail administratif dans l’industrie.

Le hasard m’a fait découvrir le commerce international, les transports et la logistique avec la gestion du flux de marchandises. J’ai découvert un monde passionnant.

 

Complètement perdue en terrain inconnu, dans un monde d'hommes (à l'époque très peu de femmes exerçaient une fonction logistique) mais très curieuse et avide d’apprendre, j’ai posé mes jalons les uns après les autres et en 23 ans j’ai changé quasi 15 fois d’employeur, m'améliorant sans cesse et toujours à la recherche de nouveaux défis.

Quand j’avais fait le tour de la question chez un employeur, que je ne pouvais plus rien apprendre, je commençais rapidement à m’ennuyer. Il fallait donc que je change de job, que je trouve un nouvel objectif.

J’ai peu à peu gravi les échelons de la hiérarchie en commençant comme simple employée administrative dans une toute petite société familiale pour terminer 23 ans plus tard à un poste de direction logistique.

Pendant une décennie de mes « années carrière » j’ai délaissé la pratique du sport et je me suis terriblement encroutée.

Mais le besoin de bouger était resté vivant, après cette période très sédentaire j’ai repris une activité physique.

 

Je suis d’abord retournée suivre les cours de mon ancien professeur de ballet, j’ai ensuite recommencé à patiner pour travailler sérieusement les danses.

J’ai aussi décroché un titre de championne de Belgique de plongeon au tremplin 1M et de vice-championne au tremplin 3M, un résidu de mes années passées à la piscine et aussi un autre défi que j’ai aisément réalisé grâce à mon passé de gymnaste.

 

Par suite d’une restructuration j’ai perdu mon dernier emploi et après 23 ans de travail administratif et sédentaire et avec une bonne dose de frustrations dans la tête, j’ai décidé de retourner à temps plein vers ce pour quoi je m’étais tant entraînée et ce pourquoi j’avais étudié :  l’enseignement de ce magnifique sport, de ma passion, le patinage artistique, et plus particulièrement la danse sur glace.

 

 

La maman

Pendant mes « années carrière » j’ai rencontré mon futur mari et nous avons eu un fils, Mathias.

Très jeune il a montré des dispositions sportives, artistiques et musicales.

D’abord lui apprendre à nager (ma formation pour bébés-nageur m’a bien aidée) et lui apprendre à rouler en vélo (ça c’était le rôle du papa).

L’élever en plusieurs langues était aussi une priorité. Je lui parlais en Français, son papa en Néerlandais et il regardait les films de Walt Disney en Anglais.

Lui donner le sens du rythme et savoir reconnaître une valse d’un tango ou d’un quickstep.

Merci Strauss et André Rieu pour la Radetsky March qui m’a permise de lui apprendre à battre la mesure sur le chemin de l’école pendant nos trajets en voiture

 

A 4 ans je l’ai conduit à la patinoire, mais ça ne lui plaisait pas du tout. Après quelques séances il n’a plus voulu continuer.

Aucune importance, il y avait tant d’autres sports.

Je ne me suis pas privée de lui faire essayer un peu de tout, équitation, tennis, randonnée, ski alpin, initiation à l’escalade, au plongeon et à l’athlétisme.

 

Vers 10-12 ans il a pu faire ses propres choix, BMX et skateboard, et…. Patinage !!! 

Il a lui-même fait le choix de vouloir patiner, et je ne l’ai pas encouragé en ce sens, et pourtant....

 

Aujourd’hui c’est un adulte, il a sa vie, son travail, mais il aime encore toujours patiner.

C’est ainsi qu’il m’accompagne lors d’évènements et que nous donnons cours ensemble dans le cadre des stages et des séminaires que j’organise.

 

 

La coach

Ma carrière et ma vie de famille me prenaient beaucoup de temps et pendant plusieurs années j’ai tout à fait délaissé le sport, je m’encroutais complètement et le sport me manquait de plus en plus.

 

Un jour mon ancien club m’a demandé de revenir patiner, de me joindre au groupe d’adultes danseurs qui se retrouvaient deux fois par semaine pour danser ensemble.

Heureuse de retrouver la glace j’ai repris les choses là où je les avais laissées. Mais terminé les sauts pour moi, ça ne me disait plus rien du tout, le désir de danser était le plus fort.

 

Avec la perspective de présenter des tests de danse, l’envie de m’entraîner était revenue. Puis avec la réussite des tests et une médaille d’argent dans la poche, l’envie de donner cours se faisait de plus en plus sentir et j’ai commencé à avoir quelques élèves adultes. Parallèlement j’avais aussi quelques cours collectifs à donner aux enfants d’un club. Mais je trouvais ça nettement moins motivant que les adultes.

 

Quel magnifique défi que ces adultes qui veulent qu’on leur explique tout, qui n’arrêtent pas de poser des tas de questions et surtout de SE poser des questions, et puis ils réfléchissent, ils observent, ils décortiquent chaque mouvement, chaque position. Ils sont très motivés…

 

Mais voilà que je me donne un nouveau grand défi :  la médaille d’or !

En Belgique je suis bloquée, je n’ai personne pour m’accompagner dans cette ascension et m’entraîner seule n’est plus une option à ce niveau-là.

Tant pis, j’irai chercher de l’aide au Royaume-Uni et je recontacte des entraîneurs rencontrés au cours de stages de danse que j’avais suivis plusieurs années auparavant dans différents pays.

Je vais quelques temps à Nottingham, je m’entraîne 6 heures par jour tous les jours, je suis cassée, mon corps me fait mal, surtout les jambes, les cuisses et les hanches, le dos aussi. Mais je veux y arriver.

 

En Belgique, en plus de ma carrière logistique, des cours que je donne et de ma vie de famille, je m’entraîne 18 heures par semaine en partie seule et en partie avec Corey Lapaige et au bout de 5 mois je réussis ma médaille d’or belge (6 danses imposées, une danse originale et une danse libre, je les ai patinés en 45 minutes chrono, portée aux nues par ma volonté et poussée par l’adrénaline).

Mais ça ne me suffit pas encore, je veux plus. Corey ne veut pas me suivre dans ma course au progrès, il pense que je n’y arriverai pas, que c'est trop dur, je n'ai plus 20 ans...

C’était très mal me connaître.

 

Alors sur le conseil de Jimmy Young je vais à Slough près de Londres et pendant environ 5 ans j’irai toutes les 6 semaines 3 jours pour m’entraîner avec Jason Blomfield. Je dois repartir tout en bas de l’échelle, le Royaume-Uni n’acceptant pas une équivalence avec les tests belges.

Jason reprend toute ma technique à la base et fait le grand nettoyage, petite erreur ici, petit défaut là-bas, beaucoup d’explications et d’analyse, beaucoup de temps passé avec lui, il négocie une équivalence partielle. Un an plus tard, soit 6 séjours de 3 jours à Slough et énormément d’heures d’entraînement seule en Belgique, je présente et réussis les uns après les autres les tests (chacun 2 danses imposées). Etant dispensée des 6 premiers tests je commence au 7ème, j'en présente 3 d’un coup et puis pour les 4 derniers un à la fois.

 

Tous mes diplômes en poche, j’en arrive à être 7 jours sur 7 sur la glace, un peu en club avec des enfants pour le patinage artistique, beaucoup en cours avec des adultes pour la danse.

Quelques enfants dont mon fils se joignent aux adultes.

Tout ce petit monde se met à former des couples, à faire de la compétition ou des tests, et moi je commence à organiser des stages et même aussi des compétitions.

 

Dernièrement j'ai goûté au patinage artistique inline, j'ai commencé par les danses de bases et j'ai des élèves, j'ai même fondé un petit club en Belgique, Inline Attitude asbl.

 

Et aujourd’hui j’ai encore toujours des idées de projets plein la tête, de nouveaux rêves, que je m’efforcerai de réaliser.

 

Ne jamais abandonner et toujours regarder plus loin…

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